LE LION ET LE RAT
Il faut, autant qu’on peut, obliger tout le monde : On a souvent besoin d’un plus petit que soi.
De cette vérité deux fables feront foi ; Tant la chose en preuves abonde.
Entre les pattes d’un lion
Un rat sortit de terre assez à l’étourdie.
Le roi des animaux, en cette occasion,
Montra ce qu’il était, et lui donna la vie.
Ce bienfait ne fut pas perdu.
Quelqu’un aurait-il jamais cru
Qu’un lion d’un rat eût affaire ?
Cependant il advint qu’au sortir des forêts
Ce lion fut pris dans des rêts,
Dont ses rugissements ne le purent défaire.
Sire rat accourut, et fit tant par ses dents
Qu’une maille rongée emporta tout l’ouvrage.
Patiente et longueur de temps
Font plus que force ni que rage
LA FONTAINE.
MAXIME
Un bienfait n’est jamais perdu.
CONSEILS PÉDAGOGIQUES
Analyse de la fable : Dans cette fable, notre immortel La Fontaine nous donne deux enseignements, résumés en deux maximes proverbiales, dont l’une commence et l’autre termine le morceau.
Le sujet ne pouvait être mieux choisi : ce contraste du terrible roi des animaux et de l’un des plus petits quadrupèdes, le rat, frappe vivement l’esprit du lecteur et lui montre bien que «on a souvent besoin d’un plus petit que soi».
Quand à la patiente du rat, tout le mode la connaît, tout le monde l’a vu ronger patiemment le bas d’une porte et se frayer un passage là où la colère et les efforts du plus puissant des animaux serait stériles.
Explication des mots : A l’étourdie, locution adv. Signifiant étourdîment, c’est-à-dire sans réflexion. Ce qu’il était, c’est-à-dire, grand, généreux, magnanime, et non pas féroce comme le tigre. Il advint, il arriva par hasard. – Rêts, filet pour prendre du poisson, des oiseaux, etc.
LA COLOMBE ET LA FOURMI
L’autre exemple est tiré d’animaux plus petits.
Le long d’un clair ruisseau buvait une colombe,
Quand sur l’eau se penchant une fourmis y tombe ;
Et dans cet océan l’on eût vu la fourmis
S’efforcer, mais en vain, de regagner la rive.
La colombe aussitôt usa de charité :
Un brin d’herbe dans l’eau par elle étant jeté,
Ce fut un promontoire où la fourmis arrive.
Elle se sauve. Et là-dessus
Passe un certain croquant qui marchait les pieds nus
Ce croquant, par hasard, avait une arbalète.
Dès qu’il voit l’oiseau de Vénus,
Il le croit en son pot, et déjà lui fait fête.
Tandis qu’à le tuer mon villageois s’apprête,
La fourmi le pique au talon.
Le vilain retourne la tête :
La colombe l’entend, part, et tire de long.
Le souper du croquant avec elle s’envole :
Point de pigeon pour une obole.
LA FONTAINE
MAXIME
Faites le bien pour le plaisir de le faire.
CONSEILS PÉDAGOGIQUES
Analyse de la fable : Les animaux sont plus petits, en effet, que dans la fable précédente, mais l’enseignement est le même, sauf qu’il n’est plus question de patiente dans le service rendu.
Admirons ces figures charmantes : un ruisseau qui devient un océan et un brin de paille un promontoire pour la petite fourmi.
Et cet autre vers : «le souper du croquant avec elle s’envole» n’est-il pas des plus heureux ? Il semble qu’on voit la déception de l’homme, sa mine allongée lorsqu’il contemple son souper dans le lointain.
Explication des mots : Fourmis, on écrirait aujourd’hui fourmi. – Croquant, vieux mot qui signifiait avant la Révolution un homme sans valeur, un paysan. On disait aussi un manant, ou un vilain, ou encore un roturier. – L’oiseau de Vénus. Les anciens avaient consacré la colombe à la déesse Vénus. – Tire de long, s’enfuit à tire d’ailes. – Obole, ancienne monnaie qui valait la 24e partie d’un sou.
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