(1) A 60 kilomètres de Dijon en allant vers Paris, sur la grande ligne du chemin de fer, et à trois quart d’heurs à pied de la gare. Les Laumes Alésia. C’est un site magnifique, très accessible et fort peu connu.
La thèse de M. Colomb, qui voit l’Alésia de César à Alaise (près de Salins, Doubs), n’a pour elle que des arguments de surface : accord — soutenable — entre le site et le texte. Mais cet accord n’existe pas moins dans le cas d’Alise ; et surtout la thèse de M. Colomb ne serait admissible qu’à la condition de méconnaître les autres arguments, tirés de la toponymie, de l’épigraphie, des fouilles (fossés de César retrouvés, armes et monnaies gauloises et romaines datées ) : or l’ensemble de ces arguments est décisif en faveur d’Alise-Sainte-Reine.
Il est impossible d’entrer ici dans le détail des preuves. On en trouvera un excellent exposé dans le Dictionnaire d’archéologie, à l’article « Mont Auxois», t. Xl, 2e Partie, 1934, pp. 2.412-2.451, et dans le manuel d’archéologie préhistorique, de J. DÉCHELETTE, t.V, 1er partie, travaux militaires, par Albert GRENIER, 1931, pp. 206-225, et t. IV, Second âge du fer, pp. 436-471. Brèves indications dans JULLIAN, Histoire de la Gaule, t. III, pp. 495-496.
Les fouilles de Napoléon III ont retrouvé, sous la couche arable, l’ensemble des deux lignes de contrevallation et de circonvallation et les bases très nettes de travaux spéciaux (trous-de-loup, fossés jumeaux, grand fossé de vingt pieds… (voir notes 13 et 14) indiqués par César. Un Alaisien convaincu, le capitaine Bial, a vainement tenté (Lettre à Delacroix, 1861) une critique des premières découvertes, et ne l’a pas renouvelé tant elles s’imposaient. On a plusieurs fois, dans la suite, repris et contrôlé ces fouilles, entre autre en juin 1949, et chacun a pu les voir. Les armes et les 619 monnaies (487 gauloises et 132 romaines, toutes contemporaines ou antérieures de peu aux événements) sont exposées au Musée de Saint-Germain-en-Laye. (Sur les monnaies gauloises voir le Traité des monnaies gauloises de A. Blanchet, t. II, p. 495, et son Manuel de numismatique français, t. I, p. 12 ch. V.)
Pas un historien, pas un archéologue, pas un spécialiste des armes, des monnaies ou de la toponymie, n’a jamais contesté les conclusions obtenues par les fouilles de Napoléon III.
« Le problème longuement et passionnément discuté est aujourd’hui résolu. Parler encore de l’énigme d’Alésia est un anachronisme », conclut M. A Grenier ( Manuel d’archéologie préhistorique, t. V, 1re partie, Travaux militaires, Picard, 1931, p. 206).
A propos des armes, J. Déchelette dit ceci : « Nous avons maintenant la certitude que les épées gauloises retrouvées dans les fossés d’Alise appartiennent bien au temps de Vercingétorix. » (Manuel, t. IV. Second âge du fer, 1927, p. 468).
Dans son Histoire de la Franche-Comté, Paris (Presses Universitaires, 1947, p. 10) M. E. Préclin, doyens de la faculté des lettres de Besançon, affirme l’identification d’Alise avec Alésia, et ajoute : « Les hypothèses qui localisent Alésia à Yzernore (Ain) ou à Alaise (Doubs) témoignent d’un indiscutable patriotisme local, mais ne tiennent pas compte des faits. »
On trouve la même fermeté de vues chez tous les savants sérieux : Rice Holmes, Jullian, Constans, L. Laurand, Carcopino, Toutain, Grenier, F. Lot, Walter etc…
M. Colomb avait conscience de sa situation paradoxale : « Notre prétention d’avoir raison contre presque tous les historiens du monde officiel, dit-il, est tellement exorbitante qu’on me pardonnera de donner en appendice quelques-unes des raisons sur lesquelles nous avons assis notre conviction. » (Vercingétorix, p. 229)
En fait, M. Colomb n’a pour lui aucun historien, mais seulement un autodidacte, M. Xavier Guichard, dont l’ouvrage Eleusis-Alésia (Paillard, éd., Abbeville, 1936) a rencontré auprès des gens compétents des critiques extrêmement sévères et sans appel. (Voir dans Annales de Bourgogne, 1937, pp. 225-226, la recension par M. Paul Lebel, id., pp. 139-145, recension par M. Thévenot.)
En fait de fouilles, de fossés, d’armes, de monnaies, Alaise n’a rien à produire. Je ne parle pas des «tombelles» (= tombes préhistoriques), qui sont bien antérieures à l’époque de Vercingétorix et dont on ne peut tirer aucun argument pour situer Alésia. (Voir Déchelette, Manuel d’archéologie préhistorique. T. II, passim.)
Les « quelques raisons » que M. Colomb avance « en appendice » de son Vercingétorix ( Fayard, éd., pp. 278-282) sont de leur côté sans valeur probante. On constatera sur l’ensemble de ce livre la recension pertinente et catégorique de M. Thévenot dans Annales de Bourgogne, 1947, p. 287. M.Colomb a promis un gros livre : La bataille d’Alésia. Nous l’attendons.
Il est regrettable que, au printemps de 1949, à l’occasion du bimillénaire de Vercingétorix et d’Alésia, ait été soulevée, à l’Assemblée Nationale et dans la presse, la question de l’emplacement d’Alésia : le public a pu croire, de ce fait, que se posait encore un problème définitivement résolu depuis près d’un siècle.
(2) L’historien Camille Jullian, s’appuyant sur Plutarque, n’hésite pas à dire : « Ce n’est point évaluer trop haut le chiffre des morts ( pour l’ensemble de la guerre), que de le porter à un million. La guerre des Gaules fut un massacre continu… Le chiffre des prisonniers, lui aussi, a pu atteindre un million » ( Histoire de la Gaule, t. III, pp. 566-567). Même s’il faut réduire — peut-être de moitié — les chiffres, pour obtenir une approximation plus exact, ils restent considérables.
(3) Au total, la Gaule, limitée par le Rhin, les Alpes, les Pyrénées, la Méditerranée et l’Océan, comprenait une centaine de peuplades ; la population était de l’ordre de 15 à 25 millions d’habitants ; la superficie était de 639 000 km2. ( Albert GRENIER, Les Gaulois, Payot, 1945, p. 229 ; Ferdinand Lot, La Gaule, Fayard, 1947, pp. 65 et 69.)
(4) Le nom de Vercingétorix signifiait : « grand roi des guerriers ». Trompés par la ressemblance du terme « adolescent », les auteurs donnent volontiers une extrême jeunesse à Vercingétorix. Ainsi G. Colomb, qui voit en lui «un tout jeune homme de 20 ans à peine, presque un enfant» et en fait l’homme de paille des druides ( dans son livre fort subjectif Vercingétorix, pp. 87, 95, 101-107). En réalité, «adulescens» signifie selon les cas : «adolescent, jeune homme, homme dans la force de l’âge.» César, qui ignore le mot «juvenis», emploie souvent le mot «adulescens» sans l’affecter nécessairement d’un coefficient spécial de jeunesse. Voir les «Mélanges Marouzeau», Paris, Belles-Lettres, 1948, pp. 7-17.
(5) Peut-être au Nord de Dijon.
Avec plus de vraissemblance, me semble-t-il, le Colonet Colin et d’autres placent la bataille au Nord-Ouest d’Alise-Sainte-Reine, dans la vallée de l’Armançon.
(6) Les fouilles menées au début de ce siècle par le Commandant Espérandieu et surtout, depuis plus de quarante ans, par M. Jules Toutain ont retrouvé des traces multiples des antiques divinités païennes. Alésia dut à son caractère de cité religieuse de renaître de ses cendres : incendié par César après le siège, elle fut rebâtie et devint une ville gallo-romaine, qui connut une grande prospérité. Le culte que les âges chrétiens ont professé à l’égard d’une martyre locale du IIIe siècle, sainte Reine, a permis à la cité de garder, dès la substitution du christianisme au paganisme, son caractère de ville sainte. Pour le détail des fouilles, on se reportera aux études de l’éminent archéologue qui les dirige toujours, M Jules Toutain : La Gaule antique vue dans Alésia (1932, 234 pp.) et Alésia gallo-romaine et chrétienne ( 1933, 200 pp.), chez Delayance, éd. A la Charité-sur-Loire. On trouvera un exposé d’ensemble dans son récent ouvrage : Le passé et la découverte d’Alésia, 48 pp., Delayance, 1948.
Il faut croire ici M. Victor Pernet, qui fut, dès l’origine, aux côtés du Ct Stoffel, et depuis jusqu’à la veille de la guerre de 1914, l’animateur et le directeur des fouilles d’Alise-Sainte-Reine.
(7) Comme les cantonnements extérieurs à la place forte, protégés par la petite muraille improvisée, n’étaient ni sûrs ni pratiques, Vercingétorix, deux jours plus tard, les supprima et fit rentrer tout le monde dans Alésia : une centaine d’hectares, cela pouvait suffire une fois la cavalerie partis.
(8) La petite muraille protégeant les campements extérieurs à la place forte, du côté Est.
(9) Bataille dite de Dijon.
(10) César dit : 80.000 hommes ; mais ce chiffre a toute chances d’être exagéré : tel était déjà l’avis de Napoléon Ier. César a tendance à exagérer les chiffres.
(11) Les Gaulois, surtout les Gaulois riches, étaient de grands chasseurs.
(12) Le Mont Beuvray, à 25 kilomètres à l’Ouest d’Autun. L’historien moderne Jérôme Carcopino estime qu’il y a lieu de modifier ainsi la date de l’ordre de mobilisation générale, que César semble placer aux premiers temps du siège d’Alésia. Si l’ordre avait été donné aussi tard, on ne voit pas comment trois ou quatre semaines auraient suffi à le faire parvenir jusqu’aux extrémités du pays et à le faire exécuter : convoquer les hommes, en chaque état, les équiper, les acheminer au point de concentration générale ( le pays des Eduens = le Nivernais actuel), organiser cette énorme armée, l’amener devant Alésia, deux mois ne sont pas de trop pour toutes ces opérations même si, comme il est probable, l’armée ne totalisait pas les 258.000 hommes que dit César.
(13) Les fouilles ont retrouvé ce fossé. Il n’existait que dans la plaine des Laumes. Sur la carte ( dans ce récit), il est indiqué sous le nom de «grand fossé de 20 pieds». Le pied romain valait 0m30. Le double pas romains, 1m50.
(14) Ces deux fossés «jumeaux» n’existaient que dans la plaine des Laumes, où les fouilles de Napoléon III les ont retrouvés ; les graviers que l’eau, amenée de l’Ozerain, avait charriés étaient encore apparents. Devant le retranchement principal courant le long des pentes de la montagne de Flavigny et de celle de Bussy, on a aussi retrouvé trace d’un fossé dont l’égalité de niveau soigneusement maintenue partout indique qu’il était rempli d’eau : les sources situés au-dessus —- Il en existe encore aujourd’hui —- ont amplement suffit (voir sur la carte, le «fossé rempli d’eau»).
(15) César les appelle CIPPI, cippes (= colonnes funéraires). Peut-être ce nom, qu’avait pu suggérer leur forme, évoquait-il, aux yeux des soldats romains, l’idée de la mort que les Gaulois y trouveraient.
(16) Ils avaient dû franchir le fossé plein d’eau.
(17) Le Mont Mussy n’aurait pas suffit, et ce n’était pas celui que rencontrait d’abord l’armée de secours, arrivant du Sud.
(18) Jullian et Carcopino placent les derniers combats et la capitulation au moment de la pleine lune ( 25-26 septembre 52).
(19) César dit que la ligne des retranchements n’englobait pas le mont Réa. Il n’est pourtant pas impossible qu’il y ait placé des travaux avancés légers ; on croit en avoir retrouvé des traces. Quoi qu’il en soit, l’absence totale d’un service de guet semblerait une faute tactique si grave qu’on a peine à l’admettre de la part de César.
(20) Bellum Gallicum, VI, 14. Leur conviction était très ferme puisqu’ils «n’hésitaient pas à se prêter des sommes remboursables dans l’autre monde» ( Albert GRENIER, Les Gaulois, p. 368).
(21) Les Romains savaient, à l’intérieur d’un camp, disposer un vallum transversal permettant, en cas de besoin, de réduire l’étendue à défendre ( «contrahere castra»). Ici la précaution s’imposait à plus forte raison.
(22) Les Romains avaient la coutume, quand ils attaquaient, de s’arrêter à une vingtaine de mètres de l’ennemi, pour lancer leurs javelots : ces armes de jet, désorganisant la défense, facilitaient le combat à l’épée.
(23) On peut voir monnaies et armes au Musée de Saint-Germain-en-Laye. Celles qu’on a trouvées depuis sont exposées au Musée d’Alice-Sainte-Reine.
(24) Peu après que César eut quitté Gergovie.
(25) Il semble, d’après le texte de César, que bonne partie des troupes de secours, trop éloignées ou gênées par la poussière dégagée, apprirent l’issue des combats sans en avoir bien suivi les dernières péripéties ( Bellum Gallicum, VII , 88).
(26) Discours pour la couronne, §§ 1996206.