Les agriculteurs néolithiques et les sujets de la Dame de Vic

Enfin, l’étude des groupes humains, de leur mode de vie, de la façon dont ils ont occupé et utilisé le pays, est encore à un stade rudimentaire. Ici les problèmes sont innombrables, nous n’en évoquerons que quelques uns. Nous possédons des milliers d’outils et d’armes de pierre datant du néolithique ; mais, jusqu’à présent du moins, nous sommes dans l’impossibilité de discerner les groupes certainement nombreux et variés qui en ont fait usage ; les fouilles du mont de Marcilly sont les premières à donner l’équipement complet d’un de ces groupes et les caractéristiques de ses installations (enceinte et habitat) ; une dizaine de chantiers de cette sorte seraient nécessaire pour obtenir des données suffisantes. Quand à l’âge du fer, une des plus passionnantes période de notre préhistoire, comme il est encore mal connu ! Des centaines de tumulus ont été ouverts, mais, jusqu’aux fouilles exécutées ces deux dernières années à Villecomte, la structure de ces monuments n’avait jamais été étudié dans son ensemble (à Vix, seule subsistait la chambre sépulcrale) ; cependant, cette structure dénote des habitudes qui sont aussi caractéristiques d’un groupe que tel type d’armes ou de bijoux, elle met en évidence des rites qui montrent la façon dont les vivants se comportaient vis-à-vis de leurs morts.

Où vivaient les populations qui ont érigés pour leurs chefs ces tombeaux ?

Ce problème, ingrat à résoudre, il est vrai, semble ne pas avoir retenu l’attention ; il est capital cependant, car la préhistoire vise à évoquer la vie aux différentes époques ; nous aimerions savoir où vivaient les gens sur qui régnaient de leur vivant les chefs ensevelis. Vix aimerait voir évoqués autour desquels les vieux chênes montent une garde solennelle ; comment étaient construites leurs maisons ? Quelles étaient leurs activités ?

Ces gens nous intriguent aussi par les camps fortifiés qu’ils ont aménagés. Ils n’y vivaient pas habituellement, mais s’y réfugiaient en cas de danger.

Camp du mont Millan

 

 

Les proportions gigantesques des ouvrages attestent qu’il a fallu de nombreux bras pour les édifier et la question revient : où vivaient les constructeurs des grands camps ? L’ampleur des constructions, les techniques savantes mises en œuvre, la répartition judicieuse des ouvrages fortifiés mettent en évidence le degré d’organisation et de civilisation auquel étaient parvenues les populations de l’âge du fer sur lesquelles nous voudrions bien avoir d’autres données que celles qui viennent de leurs tombeaux. Une très belle œuvre reste à faire qui s’attacherait à faire revivre la brillante civilisation hallstattienne de l’âge du fer, qui fut sans doute la première à imprimer sur notre sol les traits définitifs de son organisation.

La princesse de Vix aimerait voir évoqué autour d’elle son milieu, son temps, ses guerriers, ses relations, les populations qu’elle tenait sous le charme de son sourire… ou sous la crainte de sa colère.

 

L’organisation de la recherche

 

Telles sont quelques-unes des perspectives qui sont ouvertes à la recherche préhistorique dans notre département ; il en est bien d’autres ; il ne saurait être question de les énumérer toutes ;  d’ailleurs au fur et à mesure que nos connaissances s’enrichissent et que la recherche avance, d’autres apparaissent qui n’avaient pas encore été entrevues. Les progrès de la technique apportent de leur côté des moyens d’investigation et d’étude qui accroissent nos possibilités de connaître. C’est ainsi que la prospection donne à l’archéologie un précieux concours ; elle décèle des vestiges qui apparaissent mal au sol et surtout elle découvre des ensembles dont l’ordonnancement est impossible à percevoir par un autre moyen ; il est à souhaiter que ce moyen d’investigation extrêmement fécond puisse être plus largement utilisé par les archéologues.

L’ampleur des problèmes qui ont été posés montre qu’ils ne sauraient être résolus par de petites fouilles du dimanche ou, parti la pelle et la pioche sur l’épaule, on revient le soir avec quelques bracelets ou quelques fibules qui feront bien dans une collection par-fouilles du dimanche où, parti la fouille est périmée ; elle repose sur une notion fausse du patrimoine archéologique qui n’est pas à considérer comme une propriété particulière mais comme un leg des humanités anciennes à l’humanité actuelle et futur.

On comprend dès lors que les fouilles archéologiques ne peuvent être abandonnées à la fantaisie des uns et des autres, mais que pour les entreprendre soit nécessaire une autorisation délivrée par un organisme compétent – en l’espèce le ministre des Affaires culturels – qui assurera leur bonne exécution, aidera les fouilleurs par des subventions et veillera à ce que les documents qu’ils ont exhumés ne soient pas dispersés.

Aussi seuls répondent aux exigences de la recherche moderne les chantiers de fouilles organisés de façon stable, animés par des chercheurs qui ont pour unique souci de faire œuvre scientifique ; ce sont de véritables laboratoires où pendant des mois ou des années sont mis à l’étude avec le secours de toutes les techniques appropriées les problèmes posés à la science préhistorique ; eux seuls peuvent fournir des données solides et nouvelles grâce auxquelles s’enrichira et se précisera la connaissance du passé de notre pays, passé qui déjà annonçait le rôle qu’il aurait à tenir dans l’avenir, celui de trait d’union entre l’Est et l’Ouest, entre le Nord et le Midi.