Brèves histoires d’antan

Souvenirs du 14 juillet 1789 en Bourgogne

Le 14 juillet 1789, les événements de Paris eurent dans notre province une vive répercussion. « A la nouvelle de la chute de la Bastille — note Kleinclausz dans son «Histoire de la Bourgogne» — le gouverneur et l’intendant prirent la fuite ; le commandant militaire, «insulté par la canaille », et dont la tête avait été mise à prix, donna bientôt sa démission.

Puis, on eut l’idée que les «ennemis de l’Etat» allaient courir sus au pays, et une peur intense, la grande Peur, s’empara des esprits. On crut qu’au fond du Morvan, à Clamecy et à Château-Chinon, se rassemblaient des «brigands et gens mal intentionnés qui n’attendaient qu’un moment de désordre pour se livrer au pillage». Le voyageur anglais A. Young, qui parcourait alors la Bourgogne, raconte que tout le long de son chemin, on ne lui parlait que d’eux et des châteaux qu’ils avaient incendiés, «sans rien prouver»…

Dans cet état d’anarchie spontanée, Dijon, Nuits, Beaune, Chagny, Autun se gardèrent soigneusement.

A vrai dire, quelques châteaux furent brûlés et il y eut dans le Mâconnais, les 28, 29 et 30 juillet, une sorte de jacquerie.

A Charbonnières, ils déclarèrent qu’il fallait brûler le curé et ses deux dîmeurs.

Les châteaux de Lugny, de Cruzille, de Saint-Poriet, de Vérizet, de Marigny furent saccagés. Accueillie à coup de fusil par les bourgeois de  de Cluny, la bande rebroussa chemin ; à Hurigny, la milice de Mâcon acheva sa déroute ; 20 hommes furent tués, 50 faits prisonniers, plusieurs pendus par autorité de justice ».


 

Quelques aspects de la vie dijonnaise au temps de Louis-Philippe

Sans vouloir, ni surtout pouvoir retracer un tableau complet de la vie dijonnaise au temps de Louis-Philippe, le seul examen des délibérations du conseil municipal de 1830 à 1848 permet de reconstituer le cadre où évoluait l’existence de nos ancêtres d’il y a cent trente ans. Lire:( encore plus d’années à l’heure où je rédige)

La ville, qui ne comptait alors que 23.845 habitants, tenait tout entière à l’intérieur des remparts, seulement percés aux portes dites des Godrans, Guillaume, pont d’Ouche, Saint-Pierre, Porte-Neuve et Saint-Nicolas (extrémité de la rue J.J.-Rousseau) qui faisaient à Dijon une ceinture de fleurs au printemps, de verdure en été, de promenades en toute saisons.

Souvenirs et regrets ! N’en disons rien de plus, pour ne pas nous laisser aller a des invectives contre ceux qui les ont détruits au nom de l’urbanisme, pardonnons-leur : ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient.

Les budgets d’alors, comparés aux milliards d’aujourd’hui, nous surprennent par leur exiguïté. Le budget de 1830 s’établit en dépenses à 264.845 francs, en recettes, à concurrence de 200.000 fr. par les redevances de l’octroi, de 15.000 francs environ par les centimes additionnels ( heureux temps) et pour le reste par des ressources ordinaires et extraordinaires, au nombre desquels la vente de l’herbe du parc : 500 francs.

Les traitements des fonctionnaires municipaux étaient à l’avenant : 600 francs par an, pour la conservation du jardin botanique, moins de 300 francs pour les instituteurs primaires. Il est vrai que la livre de viande ( bœuf, veau, mouton) ne coûtait que 0,41 centimes, la douzaine d’œufs, qui en comportait treize, 0,05 centimes, la livre de pain blanc, 0,22 centimes et de pain bis 0,10 centimes.

La voirie faisait fortement à désirer : certaines rues sans trottoirs, pavages intermittents, éclairages à huile réduit à des veilleuses, et, pour la distribution d’eau, des puits, non seulement dans les cours et jardins où on les retrouve encore aujourd’hui, mais dans les rues, avec des margelles si basses que les passants culbutaient à l’intérieur des puits, au détriment de leurs personnes et de la pureté de l’eau où ils avaient mariné.

C’est seulement en 1837 que la captation de la source du Rosoir et l’érection du château d’eau, place Darcy, par l’ingénieur qui lui a donné son nom, fournirent aux Dijonnais une eau potable, devenue un sujet d’envie pour d’autres villes moins favorisées.

La circulation très réduite était si étroitement réglementée au bénéfice des piétons et des riverains, qu’on interdisait aux charretiers de faire claquer leurs fouets dans les rues et que l’itinéraire des malles-poste, à la vitesse redoutable (15 km à l’heure) était strictement limité. Dans les rues presque désertes pouvaient librement se déployer les convois funèbres, en noir pour les gens mariés, en blanc pour les célibataires, présomption de virginité, qui, en ce qui touche au moins le sexe fort, paraît quelque peu téméraire.

Par ailleurs, quelle différence avec la ville de nos jours : l’église Saint-Jean, alors désaffectée, servait de grenier à fourrage, le parc était en pleine campagne, la Porte neuve (extrémité de la rue Jeannin), affligée d’un lavoir et d’un abattoir à porcs, et puis des octrois à toutes les portes de la ville, le télégraphe aérien, etc.

Quant à la population, les classes sociales étaient beaucoup plus tranchées qu’aujourd’hui. Au sommet, dans les vieux hôtels parlementaires ou les demeures fastueuses élevées par les ancêtres de leurs habitants (Hôtels Saint-Seine, de Loisy, de Simony, du Parc, etc.), l’aristocratie dotée de grosses fortunes immobilières, la bourgeoisie ( professions libérales et quelques gros et petits rentiers), les commerçants et les industriels représentés par des magasins de détail, et des artisans, enfin les ouvriers dont la condition misérable était l’une des plaies et les mendiants, une des hontes de la société.

Si près de nous par le temps, si loin par le bouleversement des conditions matérielles, économiques et sociales, telle était la génération de 1830. Ne se croit-on pas revenu à des temps préhistoriques ?